De avril à juin 2014 la Villa Arson accueille Pauline Curnier Jardin
« Les choses se déroulèrent ainsi. Après avoir hésité à faire des études de théâtre ou de danse je suis finalement rentrée aux beaux arts. À l’époque, tout en développant un travail de dessins, j’ai d’abord constitué un groupe avec lequel nous écrivions des entresorts : de femme à barbe, de pois sauteurs et autres dompteurs d’objets – une sorte d’interprétation du cabaret ou du cirque comme si ces derniers étaient des médiums d’arts plastiques et non plus un sujet ou une esthétique. C’était là le début de tout un travail scénique qui aurait une vision rabelaisienne de la représentation, un univers dans lequel règnent l’opulence, la pastiche, le rire, le mauvais goût et l’exaltation des corps, des formes, des couleurs et des sentiments. Une certaine inclination pour le grotesque, le primitif, une passion pour les carnavals quotidiens. Par la suite les voyages, au Liban, en Syrie, en Chine, en Argentine et puis une vie en Allemagne et Finlande ont confirmé mes penchants d’exploratrice et d’ethnologue contrariée. C’est dans cette dernière que je commence à m’intéresser sérieusement à l’animisme et aux rites païens et à en faire un de mes sujets de prédilection (…)
Mon travail ainsi se projetterait dans une œuvre d’art totale, et travaille à l’invention d’un univers. À partir d’une recherche sur un sujet existant, réel ou immatériel qu’il soit un sentiment (la solitude), un fait ou un personnage historique ou mythologique (Jeanne d’Arc, Bernadette Soubirous, Demeter, la première guerre mondiale), un lieu (la centrale nucléaire, la grotte, le cirque, la banlieue) je raconte des histoires, j’écris des histoires entières, complexes, et qui ont la volonté d’expliquer par un aménagement symbolique ou allégorique un sujet fondamental (l’humain, le langage, l’amour, la mort). Chacune de ces histoires s’étend sur différent médium, en dessins, photo, film, chansons, performance, installation, le cinéma et le théâtre stimulant ce travail. Voici ce que je fabrique avant tout, c’est là ma motivation artistique. Les histoires que je raconte sont d’un style rocambolesque, leurs quêtes et leurs ambitions ainsi jamais épurées mais livrées dans un dédale narratif, une sorte d’aventure de la recherche déployée dans un film épique et braque. Je travaille en piochant dans ce qui m’arrive de valable pour rentrer dans l’œuvre, et dans ma vie je provoque ses événements. La coïncidence, la rencontre bienvenue, sont autant de mes sujets. Ils sont comme la croyance animiste…Si cela est arrivée, cela doit être pris au sérieux, c’est à dire pour ma part, être mis en scène. Cet univers que je fabrique est peuplé par des objets non fonctionnels, objets d’art ou de décoration, des animaux, des monstres et des femmes.
Le personnage principal est souvent une femme, idiote et magnifique, sans doute un double rêvé, qui ne peut voir la vérité (de l’humain, du langage, de l’amour, de la mort), ou accéder au savoir que grâce à des objets ou des formules. Je suis finalement plasticienne, mais je me dis bonimenteuse.”
Pauline Curnier Jardin
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