La Villa Arson est une institution nationale dédiée à l’art contemporain unique en son genre. Elle réunit dans un même site une école d’art, un centre d’art, une résidence d’artistes et une bibliothèque spécialisée.
Implantée sur la colline Saint-Barthélémy, la Villa Arson occupe un vaste domaine de plus de deux hectares qui offre un splendide panorama sur la ville de Nice et la Baie des Anges. Labyrinthe de béton, de pierres et de plantes entremêlées, où s’imbriquent harmonieusement autour de l’ancienne demeure de la famille Arson, rues intérieures avec patios, amphithéâtres en plein air, terrasses et jardins suspendus.
Conçu dans les années 1960 par l’architecte Michel Marot, cet ensemble architectural singulier, érigé au milieu d’un jardin méditerranéen, est à découvrir par la promenade. Architecture non dominante et sans façade, elle se déploie sur 17 000 m2 en épousant la topographie de la colline. Des œuvres d’artistes contemporains dialoguant avec l’architecture et les jardins ponctuent la visite.
L’édifice bénéficie du label « Patrimoine du XXe siècle ».

Le projet ambitieux de construction d’un établissement artistique d’un type nouveau, tel que le ministère d’André Malraux l’avait défini, est confié en 1966 à l’architecte Michel Marot*. Malgré la surface importante à construire, plutôt que d’édifier un bâtiment dominant (ce qu’il nomme l’option du « silo à étudiants »), il choisit d’investir la quasi totalité du terrain (17 000 m² de plancher sur une parcelle de 23 000 m²) avec un projet d’architecture horizontale, en tenant rigoureusement compte de toutes les caractéristiques du site : présence de la villa du XVIIIe siècle, du jardin en terrasses sur trois niveaux et d’arbres à préserver (qui vont définir l’emplacement des patios), situation dominante sur la ville, forte déclivité du terrain, etc.
« La volonté de faire disparaître les constructions dans la verdure m’incita à l’étaler comme un lézard au soleil. » (M.M.)
Michel Marot met à profit son expérience de promeneur, sa connaissance des villages méditerranéens, son intérêt pour l’architecture vernaculaire pour concevoir cet ensemble avec ses places publiques, ses lieux de rencontres et de discussion en plein air (jardins, amphithéâtres extérieurs) ainsi que ses ruelles labyrinthiques.
L’ allure générale de la Villa Arson suit la ligne topographique de la colline Saint-Barthélémy.
L’ architecture se déploie sur la partie sud du site sous forme de trois terrasses en gradins, à l’emplacement des terrasses à l’italienne d’antan. Malgré l’ampleur du bâtiment, beaucoup d’espaces clos ménagent une certaine intimité tout en restant ouverts vers l’extérieur et laissant entrer la lumière. Les ateliers de l’école sont desservis par un axe central, appelé « la rue », encavé dans la pente, auquel s’annexent rampes, escaliers et patios.
Les murs en béton, conçus comme des contreforts, laissent apparents l’empreinte du coffrage pour l’intérieur des bâtiments et sont recouverts de galets du Var pour l’extérieur, offrant à la vue l’aspect brut des matériaux. C’est d’ailleurs ce traitement du matériau qui conduit souvent à parler d’architecture « brutaliste » à propos de la Villa Arson (en référence au style architectural New Brutalism en Angleterre des années 1950-1970). Le Brutalisme, au-delà de l’usage du béton brut de décoffrage, renvoie davantage à une attitude, un état d’esprit, une éthique qu’à une esthétique identifiable. Il confère au site et au paysage un rôle déterminant et positionne l’architecte en interprète du terrain à construire, considérant que les lignes de force du projet y sont déjà présentes. Une attention particulière portée à ce qui est as found [trouvé sur place], à savoir les matériaux et les caractéristiques du site, permet à l’architecte de faire émerger un projet architectural qui s’inscrit véritablement dans son environnement.
« Plus nonchalant que brutal, je suis certainement influencé par l’architecture des années 60 mais je penche plutôt pour la tradition, le contexte, le site, le voisinage, la végétation, l’économie. » (M.M.)
L’ architecture de Michel Marot est sans façade et ne peut être perçue dans son ensemble d’un seul point de vue. Elle réserve à l’observateur attentif nombre de détails et de références formelles, comme le labyrinthe et le mastaba édifiés sur les terrasses en guise de brise-vent et de pare-soleil et les pyramidions pour les puits de lumière dans les ateliers de l’école d’art.
La dimension labyrinthique, l’enchevêtrement du bâti et du végétal sont autant de caractéristiques du site.
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* Michel Marot. Né en 1926, il a obtenu son diplôme d’architecte à l’école nationale des Beaux-arts de Paris en 1950, a suivi l’enseignement de Walter Gropius à l’Université de Harvard en 1952 et reçu le Grand Prix de Rome en 1954. Il a poursuivi sa carrière au sein du cabinet M.T.A. qu’il a fondé dès 1959 avec Daniel Tramblot et en tant qu’enseignant à l’école d’architecture de Paris/La Seine et architecte en chef des bâtiments publics et des palais nationaux.
La Villa Arson se situe sur la colline de Saint-Barthélemy dans la partie nord de la ville de Nice. Sur les 6,5 hectares qu’il comportait jusqu’en 1920, le domaine n’occupe plus aujourd’hui que 2,3 hectares. Les lieux, propices à l’agriculture, sont fréquentés dès l’Antiquité. Les moines capucins qui s’y installent à partir de 1551 y cultivent vignes et oliviers.
C’est au XVIIIe siècle avec l’édification de la villa de style génois en pleine campagne que le site, en plus de sa vocation agricole première, devient également un lieu de plaisance. Commanditaire de la construction de cette résidence secondaire, la famille Peyre de La Coste crée un jardin typiquement italien sur le versant sud de la colline. S’adaptant à la topographie des lieux, celui-ci est composé de trois terrasses largement ouvertes sur le paysage offrant ainsi une vue sur la campagne alentour, la ville au loin et la Méditerranée en fond.
En 1812 Pierre-Joseph Arson achète le domaine. Il s’emploie à restaurer le bâtiment, dégradé pendant la période révolutionnaire française, et agrémente le jardin tout en renforçant son caractère italien et son aspect méridional par une plantation importante d’arbres méditerranéens (cyprès, chênes verts, pins parasols) et par l’ajout de sculptures, de fontaines, de balustrades en pierre, d’escaliers et allées en calade, d’une colonnade et même d’une fausse grotte.
La longue allée carrossable qui contourne le jardin par l’ouest est plantée de cyprès à cette époque. Elle existe encore aujourd’hui et constitue un élément important du patrimoine du quartier Saint-Barthélemy. Elle permettait aux Niçois de venir jusqu’à la Villa Arson en voiture à cheval et de poursuivre à pied leur balade vers le nord, la campagne et le Vallon obscur.
Répertorié dans les guides touristiques de la fin du XIXe siècle et début XXe, le jardin était alors décrit comme un très bel exemple de jardin classique à l’italienne. Résistant à la mode de l’exotisme très en vogue à l’époque, il est aussi réputé pour ces plantations typiquement méditerranéennes. Ce n’est qu’à partir des années 1970 qu’il s’est réellement ouvert aux plantes exogènes.
Ainsi, à travers l’origine des arbres du jardin nous pouvons lire l’évolution du domaine et définir comme trois strates de végétaux, témoignant chacune de trois époques bien distinctes. Le passé agricole du XVIe siècle est représenté par les vieux oliviers multiséculaires des parties nord et ouest du site. L’ancien jardin d’agrément est, quant à lui, encore décelable grâce à la présence des grands arbres d’ornement : pins parasols, cèdres, chênes et cyprès plantés, pour la plupart d’entre eux, il y a un peu plus de deux cents ans. Enfin, la dernière strate est constituée par les arbres et plantes du jardin contemporain, d’origine parfois exotique et provenant des cinq continents (caroubier, magnolia, faux-poivriers, bois de rose, mandariniers, lilas des Indes, eucalyptus, palmier du Sénégal, etc.). Ce jardin contemporain, dit du Bosco, est l’œuvre de l’architecte Michel Marot qui a imaginé le projet « Villa Arson » comme un tout mêlant de façon intime le végétal et le minéral. Les arbres existants avant les constructions modernes ont tous été préservés et de nombreux patios ont été aménagés. Les échappées visuelles sur l’extérieur et les végétaux sont ainsi quasiment permanentes, où que l’on se trouve. De même, la création de cercles dallés autour des arbres du Bosco rappellent également l’omniprésence du bâti au sein du jardin.
En végétalisant les toits-terrasses, Michel Marot a voulu réinterpréter l’idée du jardin suspendu, réinventant ainsi, à plus de quatre mètres au dessus du sol originel, les trois terrasses en gradins du XVIIIe siècle. Les 4 500 mètres carrés de terrasses rénovés en 2009-10 offrent un ensemble d’architecture et de jardins qui peut être perçu comme une évocation de la ziggourat de Babylone, d’un temple aztèque, d’une forteresse du Moyen-Âge, ou du labyrinthe de la Renaissance. Les terrasses offrent toujours aujourd’hui au visiteur une vue imprenable sur les collines, la ville de Nice et la mer.